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Dans son
incessante ingéniosité, l’humanité développe des moyens techniques gigantesques
et notamment des moyens de connaissance extrêmement performants. Mais, en même
temps, dans son aveuglement constant, elle s’avère incapable de prendre
conscience de sa place dans le phénomène de la VIE et de préserver les êtres et les milieux
vivants. De ce fait, elle provoque d’immenses pollutions dans tous les milieux (terres
mers, airs) et entraînent de nouvelles maladies pour les humain et même la
disparition d’un grand nombre d’autres espèces vivantes. Dans son
constant paradoxe, l’humanité développe des outils qui permettent de constater,
de mesurer et de modéliser avec précision l’ampleur des dégâts qu’elle cause à
la planète. Elle accumule et rassemble les innombrables données recueillies
dans de gigantesques "datas center". En même temps, elle se permet, dans
sa course vers son destin, d’accumuler de plus en plus de données sur les êtres
humains, de pénétrer dans leur intimité la plus secrète, de prendre le pouvoir
sur leur vie, des démarches rendues possibles par une passivité de notre part. 1. DE L’HOMO SAPIENS A L’HOMO DETRITUS - De
l’humain qui pense à l’humain qui jette Gilles Fumey, un enseignant-chercheur en géographie culturelle à la Sorbonne et au
CNRS, a récemment écrit un article intitulé "La nature, cette grande déchetterie". Il a en effet eu l’opportunité
de vérifier ce qu’on ramasse
lorsqu’on participe à une action de nettoyage. Il cite l’exemple, dans une
ville moyenne de l’ordre de 20 000 habitants, d’une rue située un peu à l’écart
du centre, bordée d’un talus que surplombe un parking qui conduit à un
supermarché, lui-même flanqué d’une cafeteria. En cet endroit, durant deux
heures et sur 30 mètres d’un talus qui avait déjà été nettoyé au printemps, la chasse
aux détritus s’est soldée par le remplissage d’une douzaine de sacs poubelle de
vingt litres chacun. Il a pu constater que, dans chaque sac, environ 80% des objets
ramassés sont issus de l’industrie agroalimentaire (gobelets, canettes et
bouteilles en verre, couverts en plastique, barquettes en PVC, pailles,
serviettes, emballages de toutes sortes). Le reste est composé
de chiffons, vêtements et chaussures, médicaments, papiers, journaux, affichettes,
pubs de boites aux lettres, petites planches et petits meubles, pots de fleurs
en terre, morceaux de cycles en tous genres, seringues, déchets organiques et
sacs de gravats. Cette
triste observation n’est pas située dans un pays à l’autre bout du monde. Elle se
présente ici même, le long de toutes les rues et de toutes les routes du lieu
où l’on habite. Tout cela reste peu visible car on ne voit pas grand-chose des
bas-côtés de la route depuis le siège de sa voiture, le moyen le plus usuel de déplacement,
et il n’y a pas véritablement de réactions de stupeur. Si on se décide à marcher
une ou deux heures le long des routes, on peut faire le constat effarant de la
présence de toute sorte déchets qui jonchent les bas-côtés. Ce
constat n’est qu’un symptôme d’une maladie de la société actuelle, l’emballement
et le sur-emballement de tous les biens de consommation, une situation
ostentatoire qui saute aux yeux dès que l’on pénètre dans l’enceinte des
grandes surfaces. Depuis 1950, l’homme a fabriqué 8,3 milliards de tonnes de
plastiques, qui deviennent des déchets après environ 4 ans d’utilisation ou
même après quelques jours seulement, et dont 9% seulement
ont été recyclés. C’est le 3ème matériau le plus fabriqué derrière
le ciment et l’acier. Les débris sont difficiles à traiter et ils entraînent
une pollution généralisée qui est particulièrement inquiétante pour le milieu
marin. Très
graves sont en effet les conséquences de ces pratiques sur la pollution des
océans. Baptiste Monsaingeon, né en 1983,
enseignant au département de sociologie de l’Université de Paris I, a créé en
2009 l'association "Watch the Waste" (Observer le Gaspillage) et il a
participé à la première expédition dédiée à l’identification de concentrations
de débris plastiques en Atlantique Nord. Il vient de publier le 4 mai 2017 un
livre remarquable sur nos déchets, "HOMO
DETRITUS". Il écrit en pages 122 et 124 : « En milieu
océanique, les débris plastique qui flottent à la surface des eaux se
décomposent en minuscules fragments et, portés par les courants, ils tendent à
constituer de véritables soupes détritiques, des océans de plastique. Un
nombre important d’organismes marins tendent à coloniser ces débris minuscules
à la dérive. Une étude publiée en 2013 a mis au jour l’existence d’une vie
microbienne intense, composée de plus d’un millier d’organismes qui
s’organisent en un écosystème spécifique. Les déchets en cours de fragmentation
deviennent des radeaux de transport pour des bactéries parfois
pathogènes. » Et toute la chaine alimentaire est intoxiquée par ces
fragments, des poissons jusqu’à l’homme.
Ce livre met
également en évidence les impasses des approches gestionnaires de notre société
du déchet. Il nous montre que la quête de pureté et de maîtrise technicienne du
déchet dans nos sociétés industrielles fabrique un aveuglement collectif et,
ajoutent des explorateurs du Zéro déchet en Auvergne, une diversion
qui nous fait oublier les causes et les conséquences de la société du jetable. Et ils
écrivent : "Ne comptez pas sur Véolia ou Suez pour vous le dire : eux
veulent plus de déchets, c'est synonyme de croissance économique. Vos déchets
ont de la valeur ! Tant pis pour la planète." Très graves aussi sont les conséquences sur la qualité de notre
alimentation, notamment sur celle de certaines eaux potables, essentiellement
issues du captage et du traitement des eaux de surface, rivières, fleuves et
lacs. Une étude menée par des chercheurs américains dans plus de dix pays, dont la France, révèle la présence presque systématique de fibres
microscopiques de plastique dans l'eau du robinet. Sur les 59 échantillons
testés, 83% d’entre eux sont positifs. Des populations peuvent avaler
jusqu’à 3.000 à 4.000 fragments de fibres plastiques par an ! 2. DE L’HOMO SAPIENS A L’HOMO DEUS - De l’humain
qui pense à l’humain qui s’asservit Une autre forme de pollution
beaucoup plus insidieuse est la capture systématique de nos données
personnelles au sein de toutes les strates de nos activités, qu’elles se
manifestent dans les espaces publiques ou dans l’intimité de nos maisons. Il
semble que peu de gens soient inquiets par ces perspectives, la plupart
affirmant qu’"ils n’ont rien à cacher". Le téléphone mobile est le
moyen le plus simple de nous pister en nous géo-localisant, en espionnant tous
nos besoins, nos achats, toutes nos relations. Les objets domestiques vont tous
être connectés et vont constituer une 2ème source de piratage et
d’intrusion dans nos vies. Le fameux compteur Linky va remplacer notre bon
vieux compteur électrique qui fonctionne parfaitement bien mais ne transmet
aucune donnée sur nos habitudes de vie domestiques. Même nos vêtements sont en
cours de connexion. Nous ne nous posséderons plus, nous appartiendrons à des
firmes qui vont régler nos comportements et même nos vies. Un domaine intime, notre santé, va être
auscultée, analysée, tant pour ajuster les contraintes imposées par les
sociétés d’assurance que pour trouver un emploi ou nous obliger à suivre des
traitements médicaux… et ça nous convient ! Face à cette attitude de "servitude
volontaire", voilà ce qui nous adviendra et nous advient déjà :
Un livre de 450 pages de Yuval Noah Harari vient d’être traduit en
français, Homo deus, dont la 4ème
de couverture annonce : "Que
deviendront nos démocraties quand Google et Facebook connaîtront nos goûts et
nos préférences politiques mieux que nous-mêmes ?" A
suivre !
Léon-Etienne CREMILLE le 9 octobre 2017 |
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