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VIVONS-NOUS DÉJÀ DES "PRINTEMPS SILENCIEUX" ?

 

1. Des constats inquiétants en cet hiver 2018

1.1. Une forte disparition des oiseaux

¤ Historiquement : Rachel Carlson, une biologiste américaine née le 27 mai 1907 et décédée d’un cancer du sein le 14 avril 1964 à l’âge de 56 ans, s’inquiéta dès le milieu des années 1940 de l’utilisation des pesticides de synthèse dont beaucoup avaient été développés à travers des recherches militaires durant la Seconde Guerre mondiale. Elle consacra ses travaux aux pesticides et aux substances nocives pour l'environnement alors qu’au même moment le département de l’Agriculture des Etats-Unis mettait en œuvre un programme d'éradication des "fourmis de feu"1 par un épandage aérien de DDT et d'autres pesticides. Elle poursuivit ses recherches, découvrit qu'un grand nombre de scientifiques rassemblaient des informations sur les conséquences physiologiques et environnementales des pesticides. En plus d'une recherche documentaire minutieuse, elle étudia des centaines de cas de personnes exposées aux pesticides ainsi que les maladies et dégâts écologiques qui en résultaient. En 1960, Carson progressait rapidement dans l'écriture de son livre qui fût publié en 1962 en Amérique et traduit en français en 1963 sous le titre : "Printemps silencieux".

 

EXTRAIT du livre : « Nous pulvérisons les ormes, et aux printemps suivants nul merle ne chante, non qu’ils aient été touchés directement mais parce que le poison a fait son chemin, pas à pas, de la feuille de l’orme au ver, puis du ver au merle ».

Premier ouvrage sur le scandale des pesticides, Printemps silencieux a entraîné
l’interdiction du DDT aux États-Unis. Cette victoire historique d’un individu contre les lobbies de l’industrie chimique a déclenché au début des années 1960 la naissance du mouvement écologiste.

Printemps silencieux est aussi l’essai d’une écologue et d’une vulgarisatrice hors pair. En étudiant l’impact des pesticides sur le monde vivant, du sol aux rivières, des plantes aux animaux, et jusqu’à l’ADN, ce livre constitue l’exposition limpide, abordable par tous, d’une vision écologique du monde.

 

1 Les fourmis de feu sont des fourmis dont le venin est l’un des plus irritants et provoque l'une des pires sensations de brûlure au monde.

¤ Actuellement : Deux études récentes, menées par le Muséum National d’Histoire Naturelle (MNHN) sur tout le territoire français
d’une part et par le Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS) à l’échelle locale d’autre part dressent un constat alarmant. Le MNHN a initié un programme de Suivi Temporel des Oiseaux Communs (STOC) depuis 1989 sur l’ensemble du territoire français en étudiant 175 espèces d’oiseaux, alouette des champs, hirondelle de fenêtre, mésange noire, pigeon ramier…, inventoriées dans tous les milieux. De son côté, le CNRS a initié à partir de 1993 un programme de suivi de la faune et de la flore dans une zone atelier de 450 km² entièrement agricole du département des Deux-Sèvres. Les dernières données de ces programmes de recherche sont catastrophiques. De nombreuses espèces d’oiseaux sont en déclin dans tous les milieux et en chute libre dans le milieu agricole. Là, les populations d’oiseaux vivants se sont abaissées dans une proportion d’un tiers de leurs effectifs en 17 ans.

Dans les deux programmes, les raisons du déclin sont claires et évidentes. Elles se situent dans la généralisation du "système" actuel de l’agriculture industrielle caractérisé par des paysages toujours plus homogènes, des champs de maïs et de blé à perte de vue toujours massivement arrosés de pesticides. Si le DDT a fait parler de lui dans les années 1960, ce sont les néonicotinoïdes, des insecticides qui contaminent l’ensemble de l’écosystème, et le glyphosate (Roundup), l’herbicide qui est le plus utilisé au monde, qui inquiètent aujourd’hui. Tous les deux concourent à la disparition des plantes et des insectes et donc aux ressources alimentaires des oiseaux, surtout au printemps.

 

Les oiseaux ne se cachent plus pour mourir

Vincent Rémy, Rédacteur en chef à Télérama

Quelle surprise, les oiseaux meurent aussi ! Depuis cinquante ans, et dans la dernière décennie davantage encore, le lobby agrochimique a transformé la campagne française en champs d’extermination. Plus un ver de terre, plus un insecte, plus une plante sauvage ne doit subsister. Or, que mangent les oiseaux ? Des vers de terre, des insectes, des plantes sauvages. Certains d’entre eux, végans granivores, se rabattent sur les merveilleuses graines que sèment les « exploitants » agricoles des temps modernes ! On aura également leur peau, la dernière perversion en date consistant à enrober ces graines d’insecticides néonicotinoïdes. No future ? Avec la FNSEA, Bayer, Syngenta et compagnie, puisqu’il faut bien les nommer, assurément.  No future pour les oiseaux, donc, mais on ne donne pas cher non plus des humains restés seuls à la surface de la Terre.                        21 mars 2018

1.2. Une pollution toujours importante des cours d’eau

Une étude du Commissariat général au Développement durable du Ministère de la Transition Ecologique et solidaire (MTES), mise à jour la 19 juin 2017, montre une présence des pesticides dans les eaux de presque tout le territoire. Parce qu’ils sont les plus vulnérables car directement exposés, les cours d’eau sont les plus marqués par cette pollution avec 53 % de la superficie nationale en dépassement de la concentration de 0,1 µg/l, norme « eau potable » pour une substance. On remarque sur la carte de France que le Roubion fait partie des bassins à forte teneur en pesticides.

Lors de la tenue des Etats Généraux de l’Alimentation (EGAlim), du 20 juillet au 21 décembre 2017, l’association de consommateurs UFC-Que Choisir a publié un rapport qui juge l'eau des rivières et des nappes phréatiques dans un “état calamiteux”. Elle dénonce la contamination persistante des écosystèmes par les pesticides, essentiellement d’origine agricole. Elle constate que la quantité des pesticides est moindre mais les molécules sont plus fortes et plus concentrées, ce qui entraîne une hausse de 18 % dans leur utilisation depuis cinq ans. Elle incrimine des “décennies d'agriculture productiviste” et l'inaction des pouvoirs publics".
Elle réclame "une réforme urgente” de la politique de l'eau afin de mettre en place des mesures de prévention des pollutions agricoles et d'appliquer strictement le principe “préleveur-pollueur-payeur”.

 

L’association de consommateurs dénonce la contamination persistante des écosystèmes par les pesticides essentiellement d’origine agricole. Elle a lancé le 17/10/2017 une Pétition « Ressource aquatique, Stop à la gabegie ! » qui a reçu plus de 100.000 signatures et qui a été adressée au MTES.

EXTRAIT d’une conférence de presse d’Alain Bazot, président de l’UFC-Que choisir : « Nous voulons lancer plus qu’un coup de gueule, une mobilisation citoyenne. Nos réseaux sont très remontés : malgré les promesses, rien ne bouge dans la politique agricole qui est privilégiée par les pouvoirs publics, au contraire. La qualité de l’eau se dégrade et si le public ne s’en rend pas vraiment compte, c’est que celle qui lui est servie au robinet reste acceptable, mais au prix de coûts toujours plus importants. »

 

Dans le communiqué de clôture des Etats Généraux, figure un chapitre intitulé "Réussir la transition écologique de l’agriculture française" dans lequel on relève, parmi les actions retenues, les deux suivantes :

- Les modalités de mise en œuvre du calendrier d’élimination progressive des pesticides, dont le glyphosate, seront précisées au plus tard à la fin du premier trimestre 2018,

- La mise sur le marché de produits alternatifs (bio-contrôle) sera encouragée (simplification des procédures).

 

Où en est-on 4 mois après la clôture de ces Etats Généraux ? La députée Sandrine Le Feur, nommée le 6 février 2018 responsable du texte de Loi EGAlim sur l’agriculture et l’alimentation, déclare dans une interview qu’elle sera attentive au bien-être animal et à la réduction des phytosanitaires. Peut-on encore espérer des résultats après tant d’années de passivité des pouvoirs publics ?

 

2. Des corrections immédiates et indispensables des effets des pratiques

Dans l’attente d’un changement du système majoritaire de l’agriculture industrielle structurellement polluant, il faut tenter de protéger partiellement les cours d’eau en réduisant les arrivées d’eaux de ruissellement polluées. Un Arrêté du Ministère de l’Agriculture et de la Pêche du 12 septembre 2006 a prévu des "Zones Non Traitées" au voisinage des points d’eau. Il s’agit de la mise en place de zones recouvertes de façon permanente de plantes herbacées ou munies d’une haie arbustive continue le long des cours d’eau, rivières, ruisseaux, rus, au sein desquelles aucun traitement n’est appliqué.

 

Les forêts alluviales le long d’une rivière (vue aérienne) et les bandes enherbées le long d’un ruisseau (vue latérale) répondent à un objectif de réduction des pollutions des eaux

 

3. Un nécessaire éveil de la conscience des Humains à tous les Êtres Vivants

Depuis des millénaires, les Humains appliquent la malheureuse phrase de la Bible "Soyez féconds, multipliez, remplissez la terre et l'assujettissez ; et dominez sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel, et sur tout animal qui se meut sur la terre." Tout a été dominé, exploité, violé, au point que la Terre, exsangue, réagit fortement. Il est plus que temps de comprendre que les Êtres Vivants sont sensibles, coopérants, bienveillants, et ne sont pas que des objets inertes pour nos besoins égoïstes.

Les arbres disposent d’une longue vie, d’une intelligence étonnante, mais sont en totale vulnérabilité. Les Humains peuvent les abattre en quelques minutes sous la férocité de leurs tronçonneuses. Aussi, vivons en conscience et ressentons :
"Un  arbre par la fenêtre m’avait insufflé sa joie vibrante" écrit Sylvain Tesson cloué sur un lit d’hôpital dans son livre "Les Chemins noirs". Et "la trame verte et protectrice des Ramières du Roubion tout au long de la Plaine de la Valdaine" est une invitation à goûter pleinement la Joie de la Vie, l’Exubérance de la Vie, dans notre courte existence terrestre.

[                                                                                                                                                   Léon-Etienne CREMILLE le 28 avril 2018

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