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PAYSAGES DE LA VALDAINE

TRISTE DISPARITION DE TROIS GRANDS AMIS

 

J’ai fait connaissance avec le Pays de la Valdaine à une date bien précise, le 6 février 1995, il y a treize ans. Ce jour-là, venant de Crest, je suis resté béat d’admiration au détour du CD 6, au dessus de Puy-St Martin, en apercevant "à mes pieds" la Plaine des Andrans dans toute sa majesté. Cet instant-là reste gravé en moi et constitue un formidable et inoubliable souvenir. Bien sûr, je savais que tout n’était pas paradisiaque dans cette Plaine, que les eaux souterraines n’étaient pas au mieux de leur forme, leur qualité étant affectée par des teneurs en nitrates beaucoup trop élevées.

Les années ont passé et je me suis installé au cœur de la Plaine, à St Gervais-sur-Roubion, en avril 2005. Là, j’habite dans une maison du village orientée vers l’Est. Que ce soit le matin, le midi ou le soir, je peux admirer tous les jours les magnifiques paysages qui s’offrent au regard. Tout proche, vers le Roubion et son canal, des arbres aux formes diverses, les uns gracieusement arrondis, les autres élancés vers le ciel, se mélangent d’une façon harmonieuse et majestueuse. Au loin, les montagnes du Poët-Laval avec leurs falaises calcaires abruptes et leurs croupes herbeuses arrondies et, plus loin encore, le Grand Delmas, la crête de Couspeau, les Trois Becs, apportent la fantastique découpe de leurs sommets sur le ciel du matin ainsi que l’éclat de leurs lumières au coucher du soleil.

J’étais heureux de toute cette beauté, autant produite par la nature que façonnée par l’homme. Hélas ! En ce vendredi noir du 25 janvier, tout a soudainement basculé lorsque les tronçonneuses entrèrent en action, ces tueuses d’arbres mises entre toutes les mains, telles des kalachnikovs. Trois magnifiques peupliers situés sur la berge du canal sont tombés, inutilement abattus.

Depuis ce jour, j’ai très mal. Je ressens une douleur immense et une colère profonde. Je me sens en deuil d’êtres chers qui manquent à notre bien commun, notre paysage à tous, qui manquent à notre canal, certes constitué d’eau courante mais aussi de talus, de berges, d’arbres et d’habitats.

Bien sûr, les hommes peuvent utiliser et utilisent des arbres pour se loger, pour se chauffer. C’est là l’une des Lois de la Vie que celle d’avoir besoin des éléments vitaux pour subsister, mais juste ce qu’il faut, avec parcimonie et discernement. Mais au-delà, comment peut-on détruire avec tant de légèreté et d’inconscience des êtres vivants, des arbres, dont la si forte présence, silencieuse ou bruissante selon les vents, contribue à l’harmonie générale et apporte la paix à l’âme ? 

Interrogeons-nous à ce propos sur notre bon droit dans notre propriété privée au point que l’on puisse oublier l’intérêt général, que l’on puisse ne pas éprouver un sentiment de respect devant la beauté globale d’un site et en arriver à abîmer le paysage par certaines actions irréfléchies !

Le paysage, ce n’est pas banal. Le sait-on pour agir en conséquence ? Le Paysage, c’est "un Pays" au sens originel du terme, c’est-à-dire une portion du territoire national avec une identité bien marquée, un lieu de vie et de travail pour les habitants locaux qui font partie de ce pays. Le paysage naturel est lui-même considéré désormais comme un patrimoine commun à protéger.

"Le paysage définit une partie de territoire telle que perçue par les populations, dont le caractère résulte de l'action de facteurs naturels et/ou humains et de leurs interrelations" affirme la Convention européenne du paysage signée sous les auspices du Conseil de l’Europe en 2001.

Trop d’hommes parmi nous, parmi ces êtres vivants que nous sommes, si minuscules, que dis-je, si microscopiques, au passage si provisoire sur le vaisseau Terre, prétendent de façon indue être des maîtres du Monde et décider du destin de toutes les formes de Vie. Nous qui habitons un village, que voulons-nous ? Vivre d’une façon individualiste dans l’indifférence de tous ou organiser la vie quotidienne dans ce qu'elle a de plus humain, de plus relationnel, dans ce qu’elle a de plus respectueux des éléments naturels, de leurs écosystèmes et de leurs cycles biologiques ?

Léon-Etienne CREMILLE

 

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