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Lève-toi et marche ! (1)

Deux grands physiciens français, Jacques Blamont et François Roddier, ont cru et ont participé au "Progrès" durant toute leur carrière professionnelle. Ils pensaient alors que les progrès réalisés devaient améliorer le sort de l’homme. Ils constatent hélas en ce début du XXIème siècle qu’un Milliard d’individus souffrent de la faim dans le monde, que les ressources naturelles sont en cours d’épuisement, que la biodiversité diminue, que l’air, l’eau et la terre sont de plus en plus pollués, que la couche d’ozone
s’ amoindrit, que le climat se réchauffe, que les inégalités sociales progressent, que le chômage persiste, que les dettes explosent. Ils constatent tout cela après 60 ans de progrès scientifiques et techniques sans précédent dans l’histoire de l’humanité.

 

 

                         Deux physiciens de renom : Jacques Blamont et François Roddier

 

Jacques Blamont est né le 13 octobre 1926. Il est agrégé de sciences physiques, membre de l'Académie des sciences de France, des Etats-Unis et de l'Inde, Professeur émérite à l'université Pierre et Marie Curie. Il a été responsable de la mise au point des premiers satellites français et il a conçu l'installation de la base de Kourou en Guyane dès 1962. Il est actuellement conseiller du président du centre national d'études spatiales (CNES)

                     

François Roddier, né en 1936 à Paris, est un physicien et un astronome. Il est entré au CNRS dans la section Sciences de l'Univers où il a préparé sa thèse de doctorat sous la direction de Jacques Blamont et avec lequel il a ensuite participé à la première expérience spatiale européenne, un tir de fusées "Véronique", au Sahara. Il part aux Etats-Unis en 1984 où il participe au développement de l’optique adaptative. Il prend sa retraite en décembre 2000 et revient vivre en France. Il s'intéresse aux aspects thermodynamiques de l'évolution.

 1. Jacques Blamont souligne au début de son nouveau livre "L’ACTION SŒUR DU REVE", paru le 20 juin 2012, que le tourisme est devenu la première industrie mondiale, que 600 millions de touristes ont été comptabilisés en 2002, qu’un milliard 600 millions sont prévus pour 2020. Il note avec perspicacité que le seul désir de quitter sa chambre contribue au pillage des ressources naturelles par l’homme, citant la phrase de Pascal à laquelle fait écho celle de Jean Giono.

Pascal [mathématicien, physicien et philosophe français (1623-1662)] : "Tout le malheur de l’homme vient de ce qu’il ne peut rester en repos entre ses quatre murs."

Jean Giono [écrivain, voyageur immobile à Manosque (30 mars 1895 - 9 octobre 1970)] :

"Mon bonheur est entre quatre murs." N.B. : Giono n’a que très rarement quitté sa ville natale.

 2-Il estime avec gravité, voire avec terreur, que trois menaces pèsent sur le XXIe siècle :

a-L'épuisement des ressources naturelles, consécutif à la surpopulation et au pillage de la terre
b-L'expansion d'épidémies, favorisées par la mondialisation
c-Les conflits armés, dans la perspective inévitable d'un recours aux armes de destruction massive.

3- François Roddier aborde les graves problèmes de notre époque par une science ée au XIXe siècle, la thermodynamique, qui, avec ses 3 Lois implacables, permet de comprendre l'évolution
La première Loi
nous enseigne que l'énergie se conserve ; la deuxième Loi, que l'énergie se dégrade en chaleur, se dissipe ; la troisième loi, que les systèmes ouverts, pourvus d'un "flux permanent d'énergie" appelés les" systèmes dissipatifs", s'auto-organisent, dissipent l'énergie le plus vite possible en la transformant en chaleur, modifient leur environnement, tentent de s'adapter... jusqu'à leur extinction. Ainsi, dans la course entre une proie et un prédateur, plus vite un être vivant évolue, plus vite il accroît sa dissipation d'énergie, plus vite il modifie son environnement, donc plus vite il doit évoluer. Il arrive un moment où, le temps d'adaptation des gènes étant fini, une espèce n'a plus le temps de s'adapter et s'éteint. Le processus est illustré dans les travaux du biologiste Leigh van Valen qui a baptisé "effet de la reine rouge" le phénomène d'extinction des espèces.

                                                         Le syndrome de la Reine rouge

                                d'après le livre de Lewis Carroll (1832-1898) "De l'autre côté du miroir
 

Chapitre 2, "Le jardin des fleurs vivantes", pages 30 et 31 : La Reine rouge se mit à courir si vite qu’Alice avait du mal à rester à sa hauteur. Lorsqu’elles s’arrêtèrent toutes deux après leur course effrénée, Alice, épuisée, regarda autour d’elle avec surprise et dit: "J’ai bien l’impression que nous n’avons pas bougé de cet arbre. Tout est exactement comme c’était." A quoi la Reine répondit : "En fait, ici, vois-tu, il faut courir autant qu’on le peut pour rester au même endroit. "

 4. François Roddier estime que les pays dévelop­pés, où le "flux permanent d’énergie" a augmenté vertigineusement depuis l’utilisation industrielle du charbon, du pétrole, du gaz, du nucléaire, offrent eux-mêmes, un  exem­ple par­fait, jusqu’à la caricature, d’une société soumise à l’effet de la reine rouge. Ceux qui ont du tra­vail courent pour ne pas le per­dre. Ceux qui n’en n’ont pas courent pour en trou­ver. On cherche à "gagner" du temps. On se con­tente de "fast-food". On utilise la voiture pour le moin­dre déplace­ment, on prend l’autoroute, le train à grande vitesse, l’avion… Une telle société voit son envi­ron­nement changer de plus en plus vite, est contrainte d’évoluer de plus en plus rapidement, a de plus en plus de difficultés pour s’adapter, risque de s’effondrer extrêmement vite.

5. Face aux constats dramatiques qu’énoncent les deux scientifiques, Jacques Blamont estime de son côté que nos concepts actuels sont inopérants et qu’une nouvelle éthique est indispensable. Parmi les trois modes d’action possibles, un seul selon lui, l’homme athée, peut être opérant, le dernier:

5.1. L’emploi de la technologie et de la science pour réduire ou supprimer les pénuries : Toute progression de la technique entrainera l’amplification de la consommation qui augmentera encore davantage les ponctions sur les ressources naturelles disponibles,                                                 
5.2. L’action politique sous forme de l’établissement d’une gouvernance internationale confiée aux Etats fédérés dans l’ONU : Comme on l’a vu pour le climat, rien n’est négociable pour les Etats,                              
5.3. L’appel au "spirituel", la seule voie laissant espérer une modification généralisée des comportements et permettant de déclencher un changement de paradigme vers celui de la frugalité : Seule l’Eglise romaine possède le magistère moral et la structure qui rendent possible une action sur l’ensemble des peuples écrit-il. Mais, selon le
cardinal Carlo Maria Martini, l’Eglise a toutefois 200 ans de retard ; aussi doit-elle se réveiller vite et prendre la voie radicale du changement… Espérons-le !

6. Jacques Blamont a réalisé une dizaine d’entretiens sur ces questions, avec Jacques Arnould, ingénieur agronome, prieur d’une communauté religieuse, chargé des questions éthiques au CNES (Centre National d’Etudes Spatiales), qui ont été rassemblés dans un livre paru en août 2009, "Lève-toi et marche-Propositions pour un futur de l’humanité" (1), aux Editions Odile Jacob. Aussi, dès maintenant, levons-nous et marchons fermement vers une sobriété heureuse.                

                                                                                                               Léon-Etienne CREMILLE le 14 septembre 2012