1. EN
PREAMBULE
Deux auteurs,
Claude MESCLON dans sa thèse de doctorat (1) et Roland BROLLES dans son
livre (2), ont bien décrit le Pays de la Valdaine
qui comprend 27 communes et qui s’inscrit dans un cadre physique bien
délimité composé de plaines au centre et de montagnes sur tout le pourtour.
Ce sont la géologie et l’hydrogéologie des plaines de ce Pays, d’une
superficie de 174 km², que nous allons examiner. Une carte et des coupes,
établies par C. MESCLON, sont jointes au texte pour aider à la compréhension
des phénomènes géologiques.
(Voir carte géologique- cliquez ici)
2. LES
FORMATIONS PERMEABLES AFFLEURANTES
Les cartes géologiques
de VALENCE au 1/250.000 et de MONTELIMAR au 1/50.000 nous permettent de
connaître la nature et l’ancienneté des roches en affleurement. Elles nous
indiquent que des formations alluviales sont présentes de façon majoritaire
sur la surface des plaines du Pays de la Valdaine. Ces formations sont
toutes d’une époque très récente, l’Ere Quaternaire. Elles se sont
successivement déposées durant le dernier million d’années, depuis la très
haute terrasse de Laga (Fv) jusqu’aux alluvions récentes des rivières (Fz)
en passant par les terrasses haute (Fw), moyenne (Fx) et basse (Fy).
Constituées de sables, graviers et galets et donc munies de nombreux
interstices, elles sont toutes perméables, ce qui signifie qu’elles sont
susceptibles de contenir et de laisser s’écouler une nappe d’eau
souterraine.
3. LE
SUBSTRATUM DES ALLUVIONS
Les alluvions reposent
sur une formation qui est dénommée leur "substratum", composé ici, sauf
pour Fv, de marnes feuilletées gris-bleu foncé imperméables, vieilles de
100 millions d’années environ et constitutives de l’étage Gargasien de l’Ere
Secondaire. Cette configuration est tout à fait particulière de notre
territoire puisque les plaines contiguës de Valence au Nord et de Valréas au
Sud présentent, elles, un substratum perméable qui est beaucoup plus récent,
âgé de 15 millions d’années seulement, la molasse de l’étage Miocène de l’Ere
Tertaire. Ces marnes sont elles-mêmes affleurantes entre les vallées du
Roubion et du Jabron selon un axe de direction W/E, partiellement surmontées
de terrains tertiaires de l’étage Pliocène sur lesquelles se sont déposées
les alluvions de la très haute terrasse . Les sols agricoles implantés
directement sur ces marnes sont sensibles à l’érosion et subissent des
dégradations importantes lorsqu’ils sont laissés quasi nus durant l’automne
comme cela s’est produit vers le quartier de Gouverney sur le territoire de
la commune de St Gervais-sur-Roubion.
4. LA CIRCULATION DES
EAUX
Une nappe d’eau
souterraine se remplit par infiltration verticale lorsque se manifestent des
précipitations et lorsqu’en même temps l’évaporation est suffisamment faible
et les sols complètement saturés. Cette configuration se présente
généralement d’octobre à avril. Pendant la durée de cette période-là, une
"lame d’eau" de 250 à 300 mm environ, à comparer à des pluies globales
annuelles de l’ordre de 700 à 900 mm, percole à travers les sols au rythme
de ces pluies et s’infiltre pour constituer en profondeur une nappe d’eau à
partir du substratum. Cette nappe n’est ni horizontale ni immobile. Elle est
inclinée et s’écoule lentement jusqu’à des exutoires (des sorties) qui sont
soit souterrains, vers d’autres nappes ou vers une rivière, soit
superficiels et ce sont alors des sources.
Quatre nappes alluviales peuvent être identifiées qui s’écoulent
sensiblement de l’Est vers l’Ouest. Elles correspondent aux plaines des
Andrans et de Sauzet, au Nord, à la plaine du Vermenon-Jabron au Sud et aux
alluvions du Roubion selon un axe médian. Cette dernière nappe présente
plusieurs particularités. Elle reçoit des eaux de la nappe alluviale de la
plaine des Andrans. Elle est également en relation étroite avec la rivière
Roubion dont elle peut recevoir des eaux durant son trajet. Elle peut même
être considérée comme l’élément souterrain, à écoulement lent, d’une seule
et même entité hydraulique, dont l’autre élément, superficiel, est la
rivière, à écoulement rapide.
Ces nappes n’ont pas
laissés les humains indifférents et plus de 600 puits ont été creusés en son
sein par des particuliers. Les collectivités locales elles-mêmes, notamment
la ville de Montélimar et le Syndicat Intercommunal des Eaux du Bas-Roubion,
ont également creusé des ouvrages sous forme soit de galeries drainantes
(captages de la Tour à La Bâtie-Rolland vers le Vermenon et de La Laupie
vers le Roubion) soit de puits (captage des Reynières à Bonlieu-sur-Roubion).
Le prélèvement journalier global de ces trois ouvrages peut atteindre 7.850
m3/j, soit près de 3 millions de m3/an, ce qui représente presque 60% des
volumes prélevés dans les alluvions, y compris ceux du Rhône.
5. LA POLLUTION DES
EAUX
5.1.
Les eaux captées pour la distribution publique
Les
prélèvements destinés à la distribution publique doivent satisfaire à des
normes de potabilité. Les activités humaines actuelles ont hélas la
détestable conséquence de polluer les milieux aquatiques. Il convient donc
impérativement de soumettre les nappes alluviales à un examen de leur
qualité.
Des textes
réglementaires obligent à faire des analyses précises et régulières des eaux
captées pour la distribution publique et on a constaté que deux types de
pollution affectent les nappes depuis les 30 dernières années du XXème
siècle, les nitrates et les pesticides. Les trois captages publics d’eau
potable en service ne sont hélas pas exempts de ces pollutions. Le plus
atteint est celui de la Tour qui présente d’une part des teneurs en nitrates
proches de, voire égale à, la concentration maximale admissible de 50 mg/l
et d’autre part un nombre important de pesticides, soit 13 substances
actives, dont 10 HERBICIDES. Le captage des Reynières présente une meilleure
qualité du fait des deux sources d’alimentation de la nappe mais ses teneurs
en nitrates sont sujettes à une grande variabilité, ayant été élevées
proches de 50 mg/l, actuellement abaissées autour de 30 mg/l, et trois
HERBICIDES sont décelés. Le captage de La Laupie a des teneurs en nitrates
voisines de 20 mg/l mais n’est pas évalué sur l’aspect des pesticides. Un
quatrième ouvrage situé dans les plaines, le captage du Plana à St
Gervais-sur-Roubion, a dû être abandonné car il contient des nitrates à une
teneur très élevée de 70 mg/l.
5.2. Les eaux en
circulation dans les nappes
Les captages
destinés à l’alimentation publique ne sont pas implantés au hasard. Ils
bénéficient d’études hydrogéologiques préalables qui permettent de définir
les meilleurs emplacements tant pour les volumes pompés que pour la qualité.
Ils ne représentent donc pas la réalité complète de l’état d’une nappe.
Aussi, est-il nécessaire de faire périodiquement un examen global des nappes
pour connaître leur état général. C’est ce qui a été fait à l’initiative du
Conseil Général de la Drôme lors du passage au 3ème millénaire.
176 ouvrages privés ont fait l’objet d’un prélèvement d’eau en vue de
connaître leur concentration en nitrates. Les résultats obtenus sont
catastrophiques : les teneurs sont supérieures à la concentration maximale
admissible de 50 mg/l pour plus de 50% des points et supérieures à 25 mg/l
pour plus de 75% des points (3). Les nappes de nos plaines sont donc
massivement polluées et la plupart des captages privés sont dans une
mauvaise situation sanitaire.
Voir carte des pollutions
6. LES CAUSES DE LA POLLUTION DES EAUX SOUTERRAINES
Tout
le monde pollue mais il convient de rechercher les causes majeures de la
pollution des eaux souterraines afin de pouvoir remédier à la situation.
Plusieurs activités, notamment agricoles et domestiques, doivent être
examinées.
Pour
les nitrates, le constat peut être dressé de la façon suivante. Sur les
plaines, occupées par l’agriculture industrielle sur environ 9.400 ha, il
est épandu sur les cultures de 150 à 200 kg d’engrais azotés par hectare et
par an et il s’en perd une grosse quantité en automne et en hiver du fait de
l’absence de végétaux "affamés en azote", les sols étant laissés nus ou très
faiblement occupés dans cette période. On compte que 50 kg d’azote par
hectare se perdent et s’infiltrent annuellement dans les nappes soit environ
2.100 tonnes, exprimés en nitrates. Pour l’ensemble des villages qui
rejettent 15 g/j/hab d’azote et qui regroupent environ 10.000 habitants, les
émissions annuelles n’atteignent par contre que 240 tonnes en nitrates, qui,
même si elles allaient toutes dans les nappes, ne représentent qu’une faible
quantité, de l’ordre de 10,2% de la totalité perdue par les activités
humaines.
Pour
les pesticides, les chiffres de perte sont difficiles à établir et
n’existent que très partiellement, voire pas du tout comme dans nos plaines.
Il est toutefois possible d’examiner les quantités utilisées par les uns et
les autres sur le territoire français. Sur les 100.000 tonnes consommées
annuellement, 92.000 tonnes le sont par l’agriculture industrielle et donc
8.000 tonnes "seulement" par tous les autres utilisateurs réunis, soit 8% du
total.
7. EN
CONCLUSION
Dans les deux
cas de pollution, l’agriculture industrielle est la cause majeure de la
dégradation des nappes d’eau souterraine. En choisissant d’aller pomper les
eaux du Rhône pour l’irrigation de ses cultures, la profession agricole
prétend qu’elle a rendu les eaux souterraines à "l’eau potable". Elle a
sûrement entraîné une quantité d’eau disponible plus importante mais elle
oublie de préciser qu’elle rend cette eau dans un état qualitatif désastreux
à cause de son système de production. Cette agriculture-là, en polluant les
eaux souterraines, se les "approprie" (cf : Michel SERRES), les "privatise"
en quelque sorte, au détriment du bien public. Il faudra bien qu’elle s’en
rende compte et qu’elle rende des comptes.
La
profession se dit toutefois prête à "travailler" sur les bassins
d’alimentation des captages d’eau potable pour en retrouver la qualité
sanitaire. Eh bien, que l’on s’y mette très vite, tous ensemble, mais pas
avec les mesures habituelles, rabâchées à longueur d’années, inappropriées
et inefficaces. Il faut être prêt à regarder les phénomènes en face, à être
audacieux et courageux, à innover et à changer, si nécessaire, de système de
production. Soyons certains que ce sera le cas très souvent si l’on veut des
résultats tangibles.
Léon-Etienne CREMILLE
(1)
Enjeux
économiques et environnementaux d’un arrière-pays rhodanien : les Pays du
Roubion-Jabron 1991.
(2)
LA PETITE HISTOIRE DE LA
VALDAINE Chroniques de la vie quotidienne à Montélimar et en Drôme
provençale 1992.
(3)
Carte POLLUTION PAR LES NITRATES en Annexe
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