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LES AGRICULTURES           

PLUSIEURS MODES DE PRODUCTIONS VEGETALES ET ANIMALES !

 

 

1. L’AGRICULTURE ET LES AGRICULTURES

Nous parlons sans cesse de l’AGRICULTURE, de la qualité de l’Agriculture française, de la capacité de l’agriculture d’exporter et de faire rentrer des devises [8,74 Milliards d’€ à l’export en 2006 (1)].  Nous avons bien d’ailleurs un Ministre de l’Agriculture et de la Pêche, Mr Michel BARNIER. Mais de quoi s’agit-il précisément sous cette dénomination simpliste ? Faudrait-il à la fois sous une même appellation respecter la terre et nourrir les hommes mais aussi exploiter des ressources  naturelles et faire des affaires ? Ne serions-nous pas en pleine confusion ?

Dans un tout autre domaine, entendons-nous parler du TRANSPORT, sans plus de  précisions ? Assurément, non ! Nous ne confondons pas les différents types de déplacements. Nous distinguons sans peine la marche à pied et à cheval, le vélo et la moto, l’auto et le train, le camion, le bateau et l’avion. Nous évoquons à juste raison "Les TRANSPORTS". Et nous avons toujours eu un Ministère des Transports dont le Ministre en est actuellement Mr Dominique BUSSEREAU, Secrétaire d’Etat après du Ministre d’Etat [Mr Jean-Louis BORLOO], chargé des Transports.

De fait, il semble bien que l’agriculture conventionnelle, productiviste, qui est en essor fulgurant depuis la guerre et qui s’est taillée une place largement majoritaire dans le pays, se soit considérée comme "l’agriculture". C’est une conception abusive et trompeuse car nous ne présentons, par cette attitude, que l’une des nombreuses façons d’offrir des végétaux et des animaux aux citoyens, celle qui domine. Aussi, pour nous représenter correctement la réalité des productions agricoles, nous devons à un moment ou un autre évoquer "Les AGRICULTURES". Faisons-le de suite sans prétendre à l’exhaustivité et en restant dans l’humilité face à l’immensité et à la gravité de la faim dans le monde.

2. LES SEPT AGRICULTURES

Deux auteurs,  Samuel Féret et Jean-Marc Douguet (2),  peuvent nous aider. Ils se sont penchés sur le problème dans un article publié en 2001 dans la revue "Nature, Science, Société" sous le titre "Agriculture durable et agriculture raisonnée". Ils distinguent sept agricultures. Ils les nomment et les classent en fonction d’objectifs et de critères qu’ils ont mis au point et dont voici des extraits :

APPELLATION

OBJECTIFS

Agriculture raisonnée

-conventionnelle-

- Utiliser de façon raisonnée les pesticides et les engrais

- Communiquer pour améliorer l’image de marque des agriculteurs

- Devenir le futur standard de l’agriculture française

Agriculture de précision

- Accroître les bénéfices et la compétitivité des produits

- Mettre au point des outils d’analyse et d’aide à la décision

- Maîtriser l’information et les outils de précision par les agriculteurs

- Mieux prendre en compte la protection de l’environnement

Agriculture intégrée

- Base de repères pour les scientifiques européens

- Développer et appliquer des concepts de la protection des végétaux     basés sur les écosystèmes

Agriculture durable

- Promouvoir des systèmes de production autonomes et économes

- Rendre les exploitations viables, vivables et transmissibles

- Constituer des espaces d’échanges entre paysans et citoyens

Agriculture fermière

- Créer de la valeur ajoutée par la transformation et la vente

- S’engager dans une démarche de qualité des produits

- Favoriser des échanges entre producteurs et consommateurs

- Participer au développement harmonieux du territoire

Agriculture paysanne

- Respecter les sociétés paysannes et l’emploi agricole réparti sur tout le territoire, sur des exploitations à taille humaine

Agriculture biologique

- Respecter les écosystèmes naturels

- Respecter la santé humaine et animale

- Rechercher un développement économique cohérent

3. UN CLASSEMENT EN TROIS GROUPES

Ces sept agricultures peuvent être regroupées en trois grandes catégories si on se place dans l’examen des rapports qu’elles entretiennent avec les sols mais aussi avec l’environnement et avec la société.

3.1. LES AGRICULTURES HORS SOLS

La dénomination qui est proposée, d’Agricultures "Hors sols", s’explique par le fait que les sols ne sont considérés dans ces systèmes de production que comme "des supports physiques". Les sols ne sont plus alimentés en humus et ils tendent à devenir de plus en plus inertes, minéraux, déstructurés, sans vie. En outre, les systèmes de culture (rotation, travail du sol, interculture…) et les assolements sont extrêmement simplifiés et tendent vers la monoculture, appauvrissant encore plus les sols.

3.1.1. L’Agriculture conventionnelle n’est pas explicitement citée dans la liste de 2001 mais elle est cependant bien présente. Elle se cache sous le vocable d’Agriculture raisonnée, concept qui fût inventé en 1993 par un réseau agricolo-industriel et qui consiste à préconiser "la bonne dose au bon moment et au bon endroit". Il en est espéré que les citoyens et les consommateurs acceptent mieux ce mode de production dont l’impact sur l’environnement pourrait être perçu comme plus faible.

Mais il ne faut pas se leurrer. L’agriculture raisonnée n’est toujours que l’agriculture conventionnelle dotée enfin d’un Code de déontologie, comme beaucoup de métiers. La mise en œuvre des productions végétales reste basée sur l’utilisation massive et exclusive de produits chimiques de synthèse, des engrais et des pesticides fabriqués à partir du pétrole, sur l’apport de plus en plus systématique de l’eau par irrigation, sur le choix de variétés de plus en plus productives mais de plus en plus fragiles ainsi que sur le choix de systèmes de cultures très simplifiées. Les productions animales sont elles-mêmes conduites en "hors-sol" avec des aliments issus de végétaux "chimiques".

Les conséquences de cette façon de produire sur les milieux naturels sont extrêmement néfastes, tant pour les sols eux-mêmes que pour les eaux, l’air et le climat. Un Code de "bonnes pratiques" était indispensable vu les gaspillages qui se pratiquent mais il reste inefficace en terme de réduction de l’impact sur l’environnement. Cette agriculture-là, même raisonnée, reste polluante.

3.1.2. L’Agriculture de précision, au nom qui paraît sympathique, est une forme "pointue" de l’agriculture conventionnelle. Elle est basée sur une utilisation effrénée des technologies, telles que par exemple le guidage satellitaire des tracteurs pour l’épandage des engrais au mètre près.

3.1.3. L’Agriculture biotechnologique ou transgénique, non citée dans le tableau de 2001, représente une grave dérive de l’agriculture conventionnelle. Elle est basée sur les manipulations des gènes des plantes et des animaux en vue de créer des OGM (Organismes Génétiquement Modifiées) susceptibles de satisfaire à certaines fonctions très discutables telles que des plantes (maïs, soja) résistantes aux herbicides (round up) ou de plantes (maïs) capables de secréter de façon permanente des insecticides contre des ravageurs (pyrale). Elle marque une emprise encore plus importante des industries des engrais, des pesticides et des semences sur les productions agricoles et elle s’accompagne de contrôles accrus des parcelles et des récoltes. L’agriculteur devient de moins en moins libre de son métier et tend à ne plus être qu’un exécutant soumis à des empires industriels. Les plantes et les animaux que cette agriculture va produire s’écartent en outre de façon dangereuse des formes naturelles de la Vie et ils vont mettre en péril la biodiversité par leur dissémination sous l’effet des conditions climatiques et par leur contamination polluante des plantes et des animaux sauvages.

3.2. LES AGRICULURES CONCEPTUALISEES

Deux agricultures sont issues des réflexions de chercheurs et d’animateurs qui tentent de trouver des pistes pour sortir les exploitants agricoles du piège du tout chimique. Ce sont l’agriculture intégrée et l’agriculture durable.

3.2.1. L’Agriculture intégrée développe le concept de système intégré qui consiste à valoriser au mieux les mécanismes biologiques et concevoir une approche globale de l'exploitation. Il s'agit dans un tel système d'approcher les principes de l'agriculture biologique sans toutefois s'interdire d'utiliser des produits chimiques de synthèse comme un ultime recours quand cela s'avère nécessaire, quand tout a été fait pour limiter la présence de maladies, de ravageurs ou de mauvaises herbes. La mobilisation de l'ensemble des techniques permet effectivement de réduire les intrants de manière tout à fait significative mais elle nécessite beaucoup d'observations et de technicité.

3.2.2. L'Agriculture durable se définit comme une agriculture économiquement viable, socialement équitable et écologiquement saine. Elle traduit dans le monde agricole la notion de développement durable, définie en 1992 à Rio, comme " répondant aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre à leurs propres besoins ". Plus de 15 ans après Rio, elle reste toutefois à être mieux concrétisée. Trop souvent, en effet, elle est mise en avant dans de nombreuses opérations de communication qui ne font que la brandir comme un étendard.

3.3. LES AGRICULURES SOUCIEUSES DES SOLS

La vitalité des sols est la clé des agricultures qui sont soucieuses de nourrir les hommes d’une façon durable et saine. Les sols sont en effet des éléments vivants pour lesquels il convient de favoriser l’activité biologique et qu’il convient donc de nourrir, d’entretenir, de soigner, de régénérer si besoin. Des sols en bonne santé sont à la base de productions végétales vigoureuses.

3.3.1. L’Agriculture fermière se caractérise par les trois fonctions de production, de transformation et de commercialisation auprès des consommateurs de produits et de services de qualité. De ce fait, les producteurs fermiers ne sont pas identifiés à des producteurs de matières premières, intégrés dans une filière. Ils développent des pratiques économes en énergie, appliquent des techniques et des moyens respectueux de l’environnement, favorisent le "bon sens" agronomique et le bien être animal et respectent la qualité de l’eau et du paysage.

3.3.2. L'Agriculture paysanne consiste à produire de façon combinée et avec la qualité exigée par la demande sociale des biens marchands alimentaires (légumes, céréales) et non marchands, comme les paysages, les territoires, l’environnement. Elle consiste en une reconnaissance de la diversité des productions agricoles en correspondance avec la diversité des écosystèmes. Elle est une agriculture de terroir, maîtresse de sa production et exige le maintien du plus grand nombre de fermes. L’agriculture paysanne porte en elle trois dimensions, l’une sociale, de solidarité entre paysans pour permettre à un maximum d’actifs d’exercer la profession, la deuxième économique, d’efficacité pour vivre de sa production, la troisième citoyenne, de respect des consommateurs et de la nature.

3.3.3. L’Agriculture biologique valorise au mieux les mécanismes biologiques et utilise une approche globale. Elle consiste en une collaboration de l’homme avec la nature dans la combinaison et l’utilisation d’un certain nombre d’éléments tels que les composts, les engrais verts, les rotations des cultures, les plantes compagnes, les ennemis naturels des parasites. Elle obéit aux lois naturelles en refusant tous les engrais chimiques, pesticides de synthèse, désherbants, hormones et manipulations génétiques. Elle associe des productions végétales annuelles et pérennes telles que les prairies, les vergers et les bois, à des productions animales. Elle maintient des zones non cultivées telles que des haies et des bosquets. Elle respecte les écosystèmes et constitue un système de valeurs respectueux de la nature, de la santé et de la société.

Dans son rapport Agriculture biologique et sécurité alimentaire (3), la FAO, Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture, affirme que l'agriculture biologique n'est plus un phénomène propre aux pays développés car elle est pratiquée dans 120 pays sur une superficie totale de 31 millions d'hectares (chiffres de 2006), [soit l’équivalent de toute la surface agricole utile de la France]. La FAO affirme que : "L’agriculture biologique a comme caractéristiques de s’appuyer sur des biens de production disponibles sur place, sans utiliser de carburants fossiles, de gérer la biodiversité dans le temps, par la rotation des cultures, et dans l’espace, par les cultures associées, et d’avoir le potentiel pour satisfaire la demande alimentaire mondiale avec un impact mineur sur l’environnement". Elle encourage donc les États à intégrer l'agriculture biologique dans leurs priorités nationales.

Léon-Etienne CREMILLE

 

(1) Ce chiffre a été cité par Mr BUSSEREAU, alors Ministre de l’Agriculture, devant l’Assemblée Permanente des
Chambres d’Agriculture (APCA) le 21 mars 2007.

(2) Samuel FERET est Sociologue, coordinateur du Réseau agriculture durable des CIVAM, enseignant en
sociologie rurale à l’Université de Caen. Jean-Marc DOUGUET est Docteur en économie, chercheur au C3ED
(Centre d’économie et d’éthique pour l’environnement et le développement) à l’ Université de Versailles.

(3) Le rapport Agriculture biologique et sécurité alimentaire a été présenté à l'occasion de la Conférence
internationale sur l'agriculture biologique et la sécurité alimentaire qui s'est tenue à Rome du 3 au 5  mai 2007.

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