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L’HUMANITÉ POURRA-T-ELLE ENFIN PRENDRE SES RESPONSABILITÉS ?

SAURA-T-ELLE SORTIR DU PIÈGE DANS LEQUEL ELLE S’EST ENFERMÉE ?

* Les hommes modernes et les animaux présentent des comportements différents

- Dans le monde des animaux, règnent la beauté et l’harmonie du milieu naturel dans lequel ils vivent :

- Dans le monde des humains, apparaissent la laideur et la pollution du milieu naturel qu’ils créent :

Deux photos en provenance de la publication de Marie-Pierre Lernould Experte en Image &
Communication, en poste à Devenez-VOUS – RAISMES (Nord)

Pourquoi existe-t-il tant de différences entre l’homme, un être vivant particulier, et tous les autres, face au milieu naturel ? Il faut remonter dans les temps géologiques et préhistoriques pour les comprendre.

La préhistoire commence avec l’apparition de l’homme il y a 7 millions d’années tandis que l’histoire débute lors de l’apparition de l’écriture, il y a 3.000 ans avant JC. A partir de cet évènement, deux points de vue se sont successivement développés sur la place de l’homme parmi les êtres vivants :

- celui le plus ancien basé sur la philosophie, la sociologie, la religion, qui place l’homme dans une culture et le dote d’un statut de supériorité sur l’animal, d’une humanité distincte de l’animalité,

- celui très nouveau basé sur la science, l’éthologie et l’écologie, qui place l’homme dans le processus de la sélection naturelle des êtres vivants et le classe dans le règne animal et l’ordre des primates.

* La caractérisation d’Homos sapiens par la civilisation et la culture (1er point de vue)

 

L’époque Pléistocène voit émerger l’homme moderne dit Homo Sapiens à il y a environ 200.000 ans qui s’active en tant chasseur-cueilleur pour trouver de la nourriture. A sa suite, l’époque Holocène démarre vers 10.000 ans avant J-C lors d’un nouveau réchauffement de la planète qui met fin à une succession d’âges glaciaires et interglaciaires successifs et longs de près de 2 millions d’années. L’homme devient alors agriculteur-éleveur. C’est un changement crucial qui intervient dans les activités humaines. L’agriculture se développe, d’abord dans la vaste plaine de Sumer entre l’Euphrate et le Tigre, puis dans la vallée de l’Indus, ensuite en Egypte et en Chine. Survient alors l’invention de l’écriture en 3.000 avant J-C. Des états se constituent. Des civilisations se forment, sumérienne, égyptienne, sabéenne, harappéenne, des religions apparaissent. Toutes ont chanté le règne de l’homme sur terre durant tous ces millénaires. Ainsi, l’épopée Gilgamesh est le récit épique d’un héros de la Mésopotamie antique entre 3.000 et 2.000 ans avant J-C qui est parvenu à mettre à son service la nature et les animaux. De même, ultérieurement, la Bible qui constitue un recueil de textes tenus pour sacrés par les religions juives et chrétiennes et dont l’écriture s’étale entre 800 et 200 ans avant J-C, exhorte les fidèles de la même façon : "Croissez et multipliez, et remplissez la terre. Dominez les poissons de la mer, les oiseaux du ciel et toutes les bêtes qui bougent sur la terre."

Beaucoup plus tard, au XVIIème siècle de notre ère, Descartes a laïcisé et sécularisé le christianisme avec ce mot d’ordre : "Nous rendre maîtres et possesseurs de la nature". Le XVIIIème siècle, le siècle des Lumières (1715-1789), a constitué le point d’orgue de cette théologie du progrès. Ainsi, au fil des siècles, la doxa a été d’affirmer que nous avons émergé de la bestialité pour devenir civilisés, de nous enseigner que l’homme est un être parfait et que les civilisations sont une réussite indiscutable !

Les récits fondateurs de la civilisation (1) occidentale, issue de la "culture" judéo-chrétienne, oppose l’animal à l’homme. Pour des raisons religieuses et sans aucun fondement scientifique, l’homme fût placé dans un règne spécial, le règne humain. Teilhard de Chardin a parlé, dans les années 1950, du passage de l’instinct à la pensée. Ainsi, durant les 2.000 ans de christianisme, l’homme s’est irrémédiablement séparé de la nature et des animaux qu’il s’est mis à exploiter ! La théologie de la séparation homme-animal et du passage de l’animal instinctif à l’homme conscient se trouve au centre de la culture occidentale et paraissait jusqu’à récemment la voie royale pour l’émancipation et la grandeur de notre espèce. Cette idéologie fût-elle naïve en nous plaçant sur une voie sans issue ?

 (1) Une civilisation est un ensemble de caractéristiques spécifiques d’une région, d’un peuple, dans de nombreux domaines, (sociaux, religieux, moraux, politiques, artistiques, intellectuels, scientifiques, techniques) qui définissent une culture. Celle-ci constitue la principale caractéristique attribuée à l’homme. Pour LE PETIT ROBERT : "la culture est l’ensemble des connaissances acquises permettant le développement de certaines facultés de l’esprit, le sens critique, le goût, le jugement". Pour Wikipédia : "en sociologie, la culture désigne ce qui est commun à un groupe d’individus, ce qui est appris, transmis, produit et créé." tandis qu’"en philosophie, la culture désigne ce qui est différent de la nature".

* L’appartenance d’Homos sapiens au règne animal (2ème point de vue)

En ce même XVIIIème siècle, le suédois Carl von Linné, au sein de la conception fixiste de l’univers, classent les plantes en leur attribuant deux noms composés : le premier, avec une majuscule, indique le genre le second désigne l'espèce. Cette nomenclature binomiale va servir de base à une taxonomie plus complète qui aboutira à l’établissement de six règnes dont l’animal et le végétal. La question  continuait d’être posée de savoir si notre espèce se trouvait dans ou hors du règne animal. L’homme a dû finalement être réintégré dans le règne animal après qu’ait été établie la reconnaissance scientifique de sa filiation avec les grands primates, jetant aux oubliettes le règne humain qui avait été créé spécialement pour lui et dans lequel il avait été placé. L’homme fait donc désormais intégralement partie du règne animal, au sein de la branche des vertébrés, dans la classe des mammifères et dans l’ordre des primates au sein duquel se différencie la famille des Hominidés dans laquelle se trouve, selon la nomenclature de Van Linné, le genre Homo et l’espèce sapiens, nous (2).

Charles Darwin, un naturaliste et paléontologue du XIXème siècle, était obsédé par l’énigme de l’origine des êtres vivants. Il partit en voyage autour du monde pendant 5 ans sur le "Beagle", un navire de la Royal Navy, et explora toutes les terres accostées. Il constata que des espèces fossiles étaient très proches d’espèces vivantes et qu’elles avaient évolué au cours du temps. Il comprit que les espèces n’étaient pas fixes mais qu’elles dérivaient les unes des autres. Il a révolutionné la biologie et la philosophie et
a donné une solution naturelle au problème jusqu’alors insoluble de la création, rendant caduque toute idée de supériorité de l’homme sur l’animal. Il réalisa en effet qu’il existe une sélection naturelle qui triait en permanence les êtres vivants, ne laissant se perpétuer que ceux capables de s’adapter à leur milieu physique. L’homme n’est pas différent de l’animal par nature mais par degrés, y compris pour les plus grandes capacités intellectuelles.

Chaque animal doit trouver sa niche écologique originale dans l’écosystème s’il veut survivre et durer. Pour ce faire, tout animal trouve, au cours de l’évolution, des solutions anatomiques, physiologiques, éthologiques qui lui permettent d’être sans rival dans sa spécialité. Et se pose la question pour nous : Quel est donc notre place dans la nature ? Quelle est l’histoire naturelle de notre espèce ? A quel mode de vie sommes-nous toujours adaptés ? Quittant les forêts africaines il y a des millions d’années, la famille humaine a conquis la savane africaine et a créé une niche écologique originale de "primate-chasseur en bande de gros gibier". Pendant 190.000 ans sur les 200.000 qu’existe Homo sapiens, les hommes ont chassé en groupe pendant que les femmes avec leurs enfants ont cueilli des baies, des fruits et des racines, sans avoir pour autant la charge mentale qu’elles ont subies ultérieurement. Les deux sexes contribuaient équitablement à la survie du groupe. La recherche de subsistance ne prenait que quelques heures par jour. L’art paléolithique fût florissant. Les réalisations, tant féminines que masculines, furent inspirées par le monde animal et le mystère féminin.

* La coupure d’Homos sapiens avec la nature et son animalité

Durant la période suivante de l’agriculture-élevage, qualifiée de révolution néolithique, Homo sapiens s’est sédentarisé et s’est détaché de son environnement initial qu’il s’est mis à exploiter plus intensément. La réduction de l’intervalle de temps entre deux grossesses s’est alors réduit et a entraîné une augmentation des naissances. Des vivres plus abondants ont été nécessaires qu’il a fallu protéger des pilleurs. Des armées, des dieux masculins de la guerre, le patriarcat sont apparus. Homo sapiens est devenu la seule espèce à échapper à la régulation des naissances par la limitation des ressources naturelles. Les humains n’ont rien prévu pour éviter la catastrophe démographique et alimentaire due à une population croissante dans monde limité. Notre espèce s’est détachée du règne animal et de la nature depuis 10.000 ans et s’est placée sur une voie sans issue de l’évolution. Cette fracture avec l’animalité et l’écologie, que les chantres du progrès considèrent comme une ode à la raison, à la richesse matérielle et à la liberté, fait sortir l’espèce Homo sapiens de ses rails, tel un animal raté. Saurons-nous sortir du piège dans lequel nous nous sommes enfermés, en promouvant les valeurs féminines, en régulant les populations, en respectant les biens communs (eau, air, sols), en stoppant le saccage de la nature, en laissant de grands espaces de liberté aux animaux ?

(2) Ce chapitre vient de la lecture d’un livre de l’éthologue Pierre Jouventin : L’HOMME, CET ANIMAL RATÉ

                                                                                                                                                                  Léon-Etienne CREMILLE le 13 décembre 2019